CLARA SNOWS
Latest music tracks from Clara (august 29 th 2007)
Le langage
constitue un système incroyablement puissant et économique, et c’est inouï ce
que l’on peut dire avec le langage, pour peu que l’on accepte son apparente dimension
réductrice… c’est pourquoi il n’y a pas d’accès au langage sans une certaine
forme de violence, ne serait-ce que parce que la pensée est surtout
synchronique, alors que le langage verbal est lui, principalement diachronique.
Ce passage d’une pensée synchronique à un discours diachronique ne va pas sans
susciter un certain nombre de difficultés, comme on peut le voir lors de
bégaiements physiologiques (autour de 3 ans) ou de tachylalies par
vulnérabilité narcissique lors du temps de béance de l’énonciation(…)
Le lien existe
entre ce passage de la bouche vide… à la bouche pleine de mots… et les
angoisses de séparation
On peut aussi considérer cette angoisse de différenciation comme expliquant le
phénomène de « démutisation par vocalisation excessive » de certains
autistes qui cherchent pathétiquement à entrer dans un langage qui ne soit pas
synonyme d’arrachement intersubjectif.
Il existe deux
grands registres types de la communication :
-l’analogique
(ou infraverbale, préverbale ou prélinguistique)
-la digitale
verbale ou linguistique)
La
communication analogique est supportée au niveau du cerveau par l’hémisphère
cérébral mineur (le droit pour les droitiers, le gauche pour les gauchers),
elle serait surtout synthétique et elle véhiculerait principalement des
émotions ou des affects et cela, par le biais d’élements
non codés, mais beaucoup plus globaux et analogiques.
La
communication digitale, quant à elle est supportée par l’hémisphère majeur (le
gauche pour les droitiers), elle serait surtout de type analytique. Elle
véhicule principalement des concepts et ce par le biais d’éléments codés de
type digits d’informations.
La
communication analogique concerne surtout la transmission non verbale de
messages de type émotionnel et affectif, par le biais de comportements non
linguistiques (mimiques, regards, gestuelle) tandis que la communication
verbale concerne plus la transmission de concepts, d’idées, par le biais
de comportements linguistiques (mots, locutions, phrases)
Mais les deux
sont intriquées, il n’y a pas de séparation entre les métaphores digitales et
les métonymies analogiques.
Il y a une
concaténation bien intriquée de ces deux types : il y a oscillation de
l’analogique dans le digital et inversement.
Cette dernière
notion est essentielle pour comprendre l’entrée de l’enfant dans le monde du
langage verbal.
La chaîne
du langage se compose d’un contenant et d’un contenu
On peut représenter le contenant comme ce qui découpe (les règles
de la syntaxe et de l’énonciation) ainsi que de la prosodie (la musicalité, le
rythme, le timbre, le son, l’intensité, la prosodie, les silences…) il consiste
à véhiculer l’émotionnel, l’affect, la motivation, l’intention et il est
principalement analogique
Le contenu
peut être une chaîne segmentée et véhicule la partie informative ou
conceptuelle de l’énoncé. Il est de type digital et aussi symbolique.
Nous n’entrons pas dans le langage par la voie digitale
Nous sommes d’abord beaucoup plus sensibles à la musique des sons et aux bruits (ceux que déjà bébés nous entendions ou que nous créions) qu’à la signification des signes qui est bien plus un apprentissage (de signifiant-signifié).
Pour entrer dans le langage nous n’avons pas besoin de significations mais de sensations c'est-à-dire éprouver et ressentir profondément que le langage de l’autre (et d’abord de la mère ou de l’être qui la remplace) nous touche et nous affecte et que l’autre en retour (la mère) est touchée et affectée par les premières émissions vocales de l’in-fans ( le bébé)
On peut
comprendre aisément la relation qui peut apparaître entre les dépressions
respectives (angoisse de séparation et deuil de la voix qui est en psychanalyse
considérée comme un objet pulsionnel intégral) de la mère et de l’enfant.
Si la voix de la mère ne touche pas l’enfant et si elle n’est pas touchée…
alors du point de vue du bébé :
« A quoi bon parler ? »
On peut renvoyer tous les amateurs d’opéra à un investissement précoce à la voix de la mère avant la coupure entre sensation et la signification, entre le toucher et le concept et qui pour le bébé est VIOLENCE.
Parallèlement, le dégoût pour la musique serait sous-tendu pour certaines personnes par la difficulté à renouer avec cette voix maternelle d’avant cette coupure musique-signification.
Le langage digital baigne dans une soupe analogique qui n’est pas nécessairement synonyme de chaos. Pour le fœtus, le bruit de fonds qu’il perçoit à l’intérieur de l’utérus et dans lequel submerge de temps à autre la voix de sa mère qu’il reconnaît (non pas comme sa mère mais comme continuité) existe encore à l’extérieur hors du liquide amniotique lorsque sa mère (ou ce qui la représente) lui parle. Et c’est dans ce bain analogique des sons extérieurs que le bébé va apprendre à reconnaître le son de la langue maternelle qui sera ensuite le fondement sérieux de sa langue, le code profond de la communication digitale.
La violence apparaît encore ici au niveau de l’écrémage, de la séparation que le bébé doit effectuer pour désintriquer la musicalité et la signification du langage maternel pour pouvoir les articuler et lui-même s’en servir en tant que sujet, intersubjectif, symbolique
La musique
authentique n’est pas figurative et encore moins conceptuelle
La musique du langage ne donne pas que le ton, elle a du sens par elle-même. La
voix maternelle est un opéra pour le bébé. Il est même certain que le bébé
n’entende pas la musique du langage exclusivement par les oreilles. Par la commodalité (extension des sens et connexion des sens entre
eux par synesthésie dont nous perdons la faculté sous la pression de la
civilisation). Il n’y a pas de voix immobile hormis peut-être celle de la
voix de la mère déprimée. Il n’y a pas non plus de voix non segmentée.
Pour percevoir une sensation, il faut que celle-ci soit segmentée et il en va
de même pour la voix.
Il existe une violence que nous ne devons pas ignorer pour le bébé que nous fûmes et que nous sommes encore : celle du clivage entre la musicalité du langage et la signification de celui-ci lorsqu’il est émis par les personnes qui nourrissent ou qui touchent l’enfant. Cette violence du passage d’une musicalité à une signification épurée dépourvue de « sensation » est une violence qui correspond évidemment à une frustration narcissique proche du deuil.
Elle est un objet pulsionnel érotique et agira comme tout autre objet
érotique : par le manque.
Ma musique…
Enfin, ces compositions musicales intentionnent d’éviter le signifiant dans l’énoncé et laissent l’improvisation donner au langage un maximum d’émotionnalité, des pics d’affects épurés. Ce qui semble être parfois un chaos sur lequel repose la voix est une représentation sonore de certains états intra-utérins, inattendus avec des voix qui ressemblent à celle que le bébé prendra comme référence à son initiation à la communication digitale : celle de la mère, du père ou de la baby-sitter…. Ou encore elle du train qui passe… celle du chien de compagnie… celle de PPDA du journal télévisé pendant la tétée de son biberon
Certaines voix sont enregistrées à l’envers. En effet, l’hémisphère droit du cerveau ( plus musical que le gauche plus orienté vers les structures sémiotique et sémantique du langage et les significations) est sensible à la musicalité. Cette musicalité n’est pas segmentaire comme le sont les phrases, elle n’est pas narrative. Cette musicalité est tridimensionnelle. Elle est perçue globalement. En retournant ainsi les énoncés linguistiques, la partie gauche du cerveau est court-circuitée par non-reconnaissance des digits et la priorité est ainsi laissée à l’affect et à l’émotionnel que peut mieux cerner la partie droite du cerveau.
Plus
la voix est placée dans l’aigu et plus les mots deviennent aussi insignifiants
tant il est difficile d’articuler les phonèmes pour créer des mots
compréhensibles lorsqu’on chante dans l’aigu.
La focalisation dans l’aigu permet de faire de la voix un objet plus encore
détaché du corps qui en devient alors étrangère (être angé).
« Celui
qui entre dans la jubilation ne prononce
pas de paroles ; sa joie se fait entendre sans que s’y mêlent des
mots : c’est le chant d’une âme que la joie inonde et qui, comme elle
peut, extériorise ses sentiments sans former de phrases. L’homme qui est dans
la joie, à partir de mots qui ne peuvent déjà plus se dire ni se comprendre
passe à une sorte de cri où le bonheur jaillit sans paroles. On voit bien qu’il
veut donner une voix à sa joie, mais la plénitude de cette joie excessive
l’empêche de se développer en mots. Observez cela chez tous ceux qui chantent,
même des chants profanes »
(Saint Augustin, Prier Dieu)
Compositions
antérieures, 2004 :
http://robindredi.free.fr/FALTA.htm
Des préludes
de Chopin, 2005 : http://rodredi.free.fr/musiclaire.htm
Fiesta, 2006 : http://robindredi.free.fr/fiesta.htm
Touts droits déposés en Belgique SABAM AC II 8384
CLARA SOLITO DE SOLIS clairused@yahoo.com.br, robindredi@free.fr, michel.solito@skynet.be
00 32 477 791465
« La voix, c’est tout ce qui du signifiant, ne concourt pas à une signification »
(J.A. Miller, Jacques Lacan et la voix)